Elle, Annemarie Schwarzenbach
Centenaire de la naissance d'Annemarie Schwarzenbach, au "beau visage d'ange inconsolable" écrivait Roger Martin du Gard; lire ici et sur Terres de femmes
(…) Elle choisit la maison la plus isolée, la plus haute sur la colline ? En vérité, ce n’était pas exactement une maison, plutôt une cabane de bois et de bambou, semblable à une maison sur pilotis suspendue dans le vide. En dessous, il y avait la vallée des oiseaux, une mer verte, et rien d’autre.
(…) Elle écrivait toute la journée, jusqu’à ce que sa main se durcisse dans une crampe et que toute l’encre sèche sur le ruban de la machine à écrire. Possédée, elle écrivait –rien d’autre.
(…) Elle ne faisait même plus attention au bruit de la pluie battante, qui quelques mois auparavant lui avait semblé assourdissant comme celui d’un train. Elle n’allait jamais dormir, et l’aube la surprenait assoupie sur sa machine à écrire –la tête posée sur son clavier. Elle cherchait à arracher les mots à leur silence, et plus elle écrivait, plus elle voulait écrire. (…) L’écriture était sa drogue –elle pouvait étourdir, embrumer, guérir, dévoiler, illusionner, consoler. Elle vivait en écrivant –elle écrivait en vivant. Il n’y avait plus rien d’autre.
(…) Elle se retrouva à attendre seulement le moment où le silence reviendrait dans la maison –car c’était seulement dans le silence, écoutant la voix des arbres et de la pluie, qu’elle pourrait s’asseoir de nouveau devant sa machine à écrire et recommencer à poursuivre les mots.
A. S sur les rives du Congo de -Elle, tant aimée- de Melania G. Mazzucco