On s'en fout la mort!
De mon identité nationale... ou la force du baobab est dans ses racines. Il faut savoir que du côté de ma grand-mère maternelle Ritz, les recherches généalogiques se sont arrêtées en Pologne et du côté du grand père Duret, c’est plus terre à terre, la terre du Bourbonnais. Ma grand-mère paternelle était la fille d’un capitaine au long court, du nom de Lebreton – un breton de bien entendu, elle avait épousé un normand, Paul M. homme de lettres et libraire. Mes deux parents sont parisiens et même d’un beau quartier, le 7ème arrondissement.
Les enfants naissent, un fils à Paris et là, la vie s’emballe et loin... jusque sur les côtes d’Afrique où j’apparais dans les années 50 dans une colonie dite française. J’assiste du haut de mes dix ans en 1960 à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, mais [et ce n’est seulement cette année que j’ai découvert ce détail] Nationalité : Ivoirienne... est écrite en toutes lettres dans mon carnet scolaire... nous sommes en 1968 !!! A18 ans, j’entends dire que je pourrais choisir ma nationalité, mais il faut l’avouer, la jeunesse à cette époque ne faisait pas toujours ce qu’elle désirait et je rentre en France, bien française.
Ce sont les années 70, je suis envoûtée par "El condor pasa" et ne rêve que d’Amérique du Sud. Ce n’est que dans les années 80 qu’un chilien Don Jaime (dont un des grand pères était basque) deviendra le père de mes trois filles.
Tous les deux bruns, nous avons fait trois blondes à la peau très claire, nées au cœur de Paris, à l’hôpital Hôtel Dieu sur l’île de la Cité. Trois parisiennes.
J’ai parfois et bien souvent l’impression de n’être pas dans la bonne case. Je connais l’Abidjanaise bien mieux que la Marseillaise, je n’assiste jamais au défilé du 14 juillet et pourtant mon frère est militaire de carrière, j’habite le quartier appelé Little India dans le 10ème arrondissement, mon amie Claudie habite celui des Africains et je vais travailler à Belleville, quartier chinois. Je suis submergée d’émotion lorsque l’Afrique souffre, pleine d’espoir lorsqu’un peuple quelque part dans le monde se soulève et renverse le dictateur, bouleversée par les cataclysmes qui ravagent nos terres. Je me sens de nulle part et d’ailleurs.
Peinture -Le vieux chef ivoirien- de Jean Bouchaud début 20ème siècle
Je n’ai pu ouvrir un Compte Chèque Postal car ma Carte d’Identité était périmée depuis deux mois... Jaime et moi devons la faire refaire, surtout que nous parlons mariage, mais une épée de Damoclès est brandie au dessus de nos têtes, celle de devoir justifier notre identité par un Certificat de Nationalité Française. Qu’importe la paperasse que nous allons sans doute fournir pour prouver ce que nous sommes depuis toujours, on s'en fout la mort! J’ai une identité personnelle dont je suis fière et j’aimerais que mon identité sociale, culturelle et nationale ne m’étouffe pas.
édit du 12/01, lu dans le Libération du lundi11/01 - Nationalité: preuve par l'absurde -