Mesdemoiselles C.
Anne Serre
Les deux sœurs
Théodore Chassériau (1819-1856)
Mesdemoiselles C. 1843
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Notre frère nous a demandé de poser. (…) C’est lui qui a souhaité accentuer notre ressemblance, car à la vérité, nous ne nous ressemblons pas tant que cela.
(…)
Moi aussi, je voulais partir. (…) Je voulais devenir professeur, et peut être même à l’étranger. (…) Et non seulement enseigner, mais écrire peut être, car j’avais entrepris un récit (…) Mon roman s’appelle Le salon vert. (…) D’ailleurs, on le notera, c’est celui dans lequel nous posons.
(…)
Maintenant que dix ans ont passé, je me demande (…) Ma sœur à qui j’ai écrit […] rechigne à évoquer le passé. « Il est toujours plus douloureux que le présent et l’avenir, m’écrivait-elle. Au moins, dans le présent et l’avenir, on est là, vivant, à pouvoir agir et infléchir le cours des choses. Pour ce qui est du passé, figé à jamais, on n’y peut rien changé et je déteste cela. »
(…) j’ai voulu pousser la porte du salon vert, une pièce où nul n’entre plus guère, (…) Je n’ai fait que l’entrouvrir car mon cœur a lâché : au centre de la pièce, nous étions là toutes les deux, en robes safran, en châles corail, nous tenant par le bras. Et les deux femmes qui ont tourné la tête au bruit de la porte pour me dévisager, c’était nous.
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Extrait du texte de Anne Serre et détail du tableau Mesdemoiselles C. de Théodore Chassériau du Musée du Louvre