L'atelier ou le monde intérieur du peintre
Du XVIIème au XXème siècle, Paris est la capitale universelle de la peinture. On vient se former à l’Ecole des Beaux Arts et dans les innombrables académies ouvertes à tous. Alors les artistes s’installent à Paris, car c’est là que souffle l’esprit de la création. Des quartiers entiers deviennent des cités d’artistes.
L. A. Droling 1810 L. A. Droling 1810 A. Massé 1830 Jakob Alt 1836 C. Nevinson 1926
Peindre l’atelier, où l’on a étudié, est une façon de garder un souvenir de jeunesse, tout en rendant hommage à son maître. Au XIXème s. cet exercice de mémoire est pratiqué, avec bonheur, par les jeunes femmes peintres pour qui la vie d’atelier est une précieuse ouverture sur le monde. Le succès des ateliers libres tient beaucoup au fait qu’ils accueillent deux catégories d’étudiants qui n’ont pas accès à l’Ecole des Beaux Arts : les étrangers et les femmes. Au XIXème s. face à l’importance de la demande, les ateliers réservés aux jeunes filles se multiplient. Car si l’art n’est pas une profession pour une femme honnête, il fait partie de la formation de base des jeunes filles bien nées.
Adrienne Marie Louise Grandpierre Deverzy -Atelier d'Abel de Pujol- 1822
Quand ils sont jeunes et pauvres, les artistes passent leur temps à chercher un refuge dans les quartiers populaires : mansarde, chambre d’hôtel miteux, appartement délabré, écurie ou garage désaffectés, entrepôt abandonné.
O. Tassaert 1848 J. F. Bazille 1865 J. F. Bazille 1866 A. André 1901
Peindre ne demande pas un matériel considérable. Encore faut il disposer d’un minimum d’espace. Au début du XVIIIème s. plus de la moitié des peintres parisiens vivent dans une seule pièce et sous les toits, pour la vue dégagée et la lumière. Le thème du peintre misérable dans sa mansarde fait partie du folklore de la bohème. J. F. Bazille tenait à rendre compte de ses dépenses : J’ai acheté, aux conditions que je vous ai dites, un lit en fer avec sommier et matelas, une table de nuit, une toilette en fer, des rideaux, quatre chaises, une table et un fauteuil qui est mon seul luxe ; j’ai renoncé au tapis.
Octave Tassaert -l'atelier chambre- 1825
Tous les peintres, heureusement, ne vivent pas dans la misère., mais dans des salons-ateliers : à l’aspect d’un musée baroque, d’un cabinet d’antiquaire des meubles, des objets d’art, des bibelots, des étoffes qui révélaient les passions et les goûts du peintre et de l’artiste.
C. Monet 1861 A. Stevens 1869 H. Margottet 1872 A. André 1921
On est dans les coulisses de l’atelier, au plus près du travail de l’artiste. Le peintre peut se retirer dans son atelier pour donner corps à des émotions ramenées de l’extérieur ou au contraire faire, de son atelier, le sujet de sa peinture.
Cornelis Norbertus Gysbrechts -Au dos d'une peinture- 1670
Outils de travail, les meubles. Peindre les objets eux-mêmes , mais aussi l’espace qui les sépare, l’air qui les baigne, les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, leur pesanteur et leur dynamique interne, leur distance avec l’œil du peintre.
C. G. Carus 1824 A. Vollon XIXème s. E. Delacroix 1857
M. Ramart XXè s. H. Matisse 1903
Espace de solitude et de recueillement, l'atelier incarne la vie imaginaire du peintre. Il est l’espace où se déploient les fantasmes de l’artiste, où ses émotions prennent corps. Il est l’image de ses obsessions, de son désarroi, de son vide ou de son désordre intérieur. C’est l’atelier qui engendre l’œuvre et donne vie à la peinture.
Félix Valloton -Autoportrait- 1887
Texte inspiré du livre -Le peintre et son atelier- de Fréderic Gaussen aux Ed. Parigrammes.